Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol2.djvu/144

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— Ne vous inquiétez pas, dit-il à madame Pignoux ; ils m’ont laissé revenir ici pour les servir ; donnez-moi le tranche-lard, et la nuit ne se passera pas sans que j’en aie étripé quelques-uns.

— Tu te feras tuer, dit l’hôtesse.

— Ça ne fait rien, répondit Jacques.

— Mais tu nous feras tuer aussi !

— Jacques, dit le marquis, vois cet enfant et ne dis mot. Fais-le sortir si tu peux, mais sois prudent si tu nous aimes.

Jacques regarda Mario en dessous, et, sans répondre, il alla à plusieurs reprises dans le garde-manger, comme pour son service, mais en effet pour examiner les reîtres qui montaient leur garde avec la régularité de deux automates.

— Ces chiens d’Allemands ! dit-il au marquis, ça ne dort pas, ça ne boit ni ne mange, tant que ça n’a pas tué tout le monde.

— Et ça connaît la discipline ! répondit le marquis avec un soupir. Ah ! il ne faut pas se le dissimuler, les reîtres sont de rudes soldats ! Si le bon Henri en avait eu dix mille, il eût été roi dix ans plus tôt !

— Cuisine, mon père, cuisine ! dit Mario, le lieutenant te regarde !

— Il peut me regarder, mon fils ! je sais manier la queue d’une casserole aussi bien que maître Pignoux lui-même.

— C’est la vérité, dit l’hôtesse ; on jurerait que vous avez étudié !

— J’ai étudié en campagne, madame Pignoux ; j’ai fricassé, l’épée au flanc et le casque en tête, pour mon Henri ! Qui m’eût dit que je fricasserais pour un Macabre et pour sa moitié ? Quelque gaupe, j’imagine !

En ce moment, la voix de madame Proserpine s’éleva