Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol2.djvu/15

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rabat en me disant qu’il est taché, et c’est elle qui y met ces taches ; c’est elle qui veut te causer de la peine et t’empêcher de m’aimer. Elle profite des sottises que je fais pour m’en mettre d’autres plus vilaines sur le dos. Père, cette femme-là ne vaut rien ; elle me fait passer pour menteur, et, si tu la crois…

— Non, non, mon fils, je ne la crois point ! s’écria le marquis. — Adamas !…

Mais Adamas n’était plus là ; il avait couru après la Bellinde ; il la saisit sur l’escalier, voulut la ramener de force, et reçut pour sa peine un beau soufflet qui lui fit lâcher prise.

Au bruit de cette escarmouche, le marquis s’élança aussi sur l’escalier. Le soufflet avait été rude ; le pauvre Adamas, tout étourdi, se tenait la joue.

— Cette coquine a donc joué des griffes ? dit-il, je me sens la figure… Eh ! non, monsieur, s’écria-t-il tout à coup joyeux, ce n’est point du sang ! Voyez ! c’est du beau rouge de vos flacons ! C’est la pièce de conviction ! Oh ! oui-dà ! voici une affaire tirée au clair. À présent j’espère que vous ne douterez plus de la malice de cette fille rousse !

— Monsieur le comte, dit le marquis à son enfant avec une gravité admirable, je confesse avoir, par deux fois, douté de votre parole. Si je n’étais votre meilleur ami, vous auriez à m’en demander raison ; mais j’espère que vous voudrez bien accepter les excuses de votre père.

Mario lui sauta au cou, et, le soir même, Bellinde, payée et congédiée sans explication, quitta l’oasis de Briantes et son beau nom de bergère pour rentrer dans les réalités de la vie sous son nom véritable de Guillette Carcat, en attendant qu’elle en prît un plus sonore et plus mythologique, comme on le verra par la suite.