Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol2.djvu/156

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Alors, seulement, Saccage put parler raison à la Proserpine.

— Vous voyez, ma Bradamante, lui dit-il, que cet ivrogne n’est bon à rien, et, si vous m’en croyez, nous le laisserons dormir ici tout son soûl et courrons piller le susdit manoir. Au retour, demain, nous reprendrons ici ce beau capitaine, qui ne servirait maintenant qu’à gêner notre expédition.

Proserpine nourrissait une idée toute fraîche éclose, idée hardie et bizarre, dont elle n’avait garde de faire part au lieutenant.

Elle feignit d’acquiescer à son désir de tout préparer pour le départ.

— Allez faire manger la troupe, répondit-elle ; je vais veiller ce dormeur, et, s’il s’éveille, je le ferai boire pour qu’il reprenne son somme.

Saccage descendit à l’office, se fit livrer toutes les provisions en porc salé et conserves de gros gibier, puis passa à l’écurie, où ses hommes et ceux du capitaine s’étaient installés.

La distribution des vivres et surtout du vin fut faite sous ses yeux avec une prudente parcimonie ; il veilla lui-même à ce que la garde fût bien montée. Les hommes de Proserpine étaient attablés dans la cuisine et soupaient joyeusement de la copieuse desserte des officiers.

Pendant ce temps, la lieutenante fit monter le maître-queux, qui la trouva chauffant ses grosses jambes bottées, dans une attitude masculine.

Ils étaient seuls, car le capitaine ronflait dans son pâté.

— Asseyez-vous là, marquis, et causons, dit-elle d’un air affable assez risible. Il faut que vous connaissiez votre