Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol2.djvu/157

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situation et la mienne, et je vous ferai voir bien des choses en peu de mots, car le temps presse.

Le marquis s’assit en silence.

— Il faut vous dire, reprit la dame-brigand, que, lorsque vous me renvoyâtes incivilement de votre gentilhommière, j’entrai au service de madame de Gartempe, qui s’en allait dans le pays Messin de Lorraine, où elle a des biens de conséquence.

— Je le sais, dit le marquis ; vous étiez là chez une dame fort qualifiée, et ce n’était point déroger. Comment se fait-il !…

— Que je l’aie si tôt quittée ? Je m’étais mis la dévotion en tête chez vous, parce qu’on aime à faire le contraire de ce que font les gens qui nous commandent ; et c’est pour cela que, trouvant ma grande dame trop exigeante pour ma conscience, je me tournai du côté des réformés, ce qui me servit à me faire chasser par elle, beaucoup plus durement que par vous, je le confesse !

» Sur ces entrefaites, il arriva au pays Messin un corps d’aventuriers de tous les pays, qui avaient servi ce brave capitaine que l’on appelle là-bas le bâtard de Mansfeld, et qui, battus sur l’autre rive du Rhin par les troupes catholiques de l’empereur cherchaient fortune en Alsace et en Lorraine.

» On avait grand’peur de ces gens-là, moi tout comme les autres ; mais le hasard me fit rencontrer parmi eux quelqu’un que vous voyez ici, et qui, ayant sauvé une bonne somme, venait de congédier ses soldats et songeait à revenir à Bourges pour s’établir et vieillir en paix.

» Il se rappelait si bien le Berry, que la connaissance fut bientôt faite et qu’il m’offrit son cœur et sa main.