Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol2.djvu/161

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La Proserpine garda un instant le silence. Son visage prit une expression de malice diabolique, et cependant il s’y peignit, en même temps, une anxiété singulière, comme si elle eût rougi quelque peu de ses exigences.

— Allons, allons, lui dit le marquis, parlez et finissons vite, avant que votre compagnon s’éveille.

— Mon compagnon n’est pas mon époux, vous le savez, monsieur le marquis, reprit la lieutenante en minaudant. Il est fort laid et fort bête… et, bien que vous ne soyez pas plus jeune que lui, vous avez encore des agréments… auxquels je n’ai pas toujours été aussi insensible que je le paraissais.

— Quelles folies me contez-vous là, ma pauvre Bellinde ?… Allons, trêve de plaisanteries… Concluons !

— Je ne plaisante pas, marquis ! J’ai toujours eu la passion d’être une femme de qualité, et, s’il faut conclure, voici mon unique et dernier mot : Soyez libre ! pas de rançon ! Partez, courez défendre votre manoir, si je ne puis empêcher qu’on l’attaque, et, quel que soit le résultat de l’affaire, vous tiendrez la parole que vous allez m’écrire de me prendre pour votre femme légitime et légataire universelle.

— Ma femme, vous ! s’écria le marquis en reculant de stupeur ; y songez-vous ? ma légatrice ! quand Mario…

— Ah ! nous y voilà ! c’est le beau petit qui est l’achoppement. Mais soyez tranquille, j’aurai des bontés pour lui, s’il se conduit avec moi comme il le doit, et, à ma mort, votre bien pourra lui revenir, pourvu que je sois contente de lui.

— Bellinde, vous êtes folle ! dit le marquis en se levant ; à moins que tout ceci ne soit un jeu…

— Ce n’est point un jeu, et, mort de ma vie ! dit-elle