Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol2.djvu/178

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chemin, et, longeant les murailles, toute la bande, qui ne comptait plus qu’une vingtaine d’hommes valides, se trouva engouffrée sous la voûte de l’huis.

— Éteignez le feu ! cria Bois-Doré, qui voyait l’incendie gagner les autres bâtiments de la ferme, et laissez-nous achever la vau-de-route de cette canaille !

En parlant ainsi, il s’adressait aux paysans et aux femmes et enfants qui s’étaient décidés à sortir du château, et il courait avec ses domestiques à la voûte de l’huis, où un étrange conflit venait de s’engager entre les bandits en fuite et Sanche, resté seul gardien de la sortie.

Sanche avait une seule idée, une idée implacable. Il avait vu Mario hors de portée, placé par le marquis derrière une maison du bourg avec une escorte. L’enfant était bien abrité et bien gardé. Mais il était impossible qu’à un moment donné, il ne sortît pas de cette retraite et ne s’engageât pas à la portée de l’arquebuse.

Sanche était là en arrêt, le canon de son arme appuyé sur un créneau du moucharabi, le corps bien caché, l’œil fixé sur le coin du mur d’où sa proie devait sortir tôt ou tard. Le sombre Espagnol avait pour lui le formidable avantage qu’aucune préoccupation pour sa propre vie ne le détournait de son but. Il n’avait en tête aucun souci du lendemain, ni même de l’heure qui s’écoulait, grosse de périls. Il ne demandait au ciel qu’une minute pour savourer et accomplir sa vengeance.

Aussi, lorsque les bohémiens en déroute vinrent se heurter en hurlant, l’épée dans les reins, contre les pieux massifs de la sarrasine, Sanche ne bougea non plus que les pierres de la voûte. Ce fut en vain que des voix furieuses et désespérées lui crièrent :

— Le pont ! La herse ! Le pont !