Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol2.djvu/193

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bataille, un peu tardivement, mais du moins en temps utile pour permettre aux combattants d’aller prendre le repos dont ils avaient grand besoin.

Jean le Clope, arrivé des derniers et déjà entre deux vins, se fit joie et honneur de s’adjoindre à l’escorte. Il avait une vieille haine contre le capitaine Macabre, et avait perdu sa jambe dans une rencontre avec des reîtres.

Aussi entra-t-il dans la ville de La Châtre la tête haute, prenant des airs de capitaine Fracasse, et racontant à qui voulait l’entendre, que, de sa claire épée, il en tuait quatorze, comme dans la complainte.

Il montrait les plus grands prisonniers en disant de chacun en particulier :

— C’est moi qui ai pris celui-là.

Quand la place fut déblayée, il y eut encore bien du désordre dans le préau de Briantes.

Les bâtiments du rez-de-chaussée étaient toujours à l’état d’ambulance pour les hommes et pour les animaux. La salle à manger et la cuisine étaient ouvertes à quiconque voulait se chauffer, boire ou manger, et le marquis ne voulut pas seulement s’asseoir avant d’avoir pourvu aux besoins de tout le monde. Lucilio et Lauriane pansaient et remégeaient de leur mieux.

Ce tableau agité présentait des épisodes variés.

Ici, l’on criait et gémissait pendant l’extraction d’une balle ; là, on riait et trinquait en se remémorant les exploits de la nuit ; ailleurs, on pleurait les morts.

On vit de vieilles femmes insupportables faire beaucoup de bruit pour une chèvre qui ne se retrouvait pas, d’autres, qui avaient perdu leurs enfants et qui couraient, l’œil hagard, la poitrine trop oppressée pour avoir la force de les appeler.