Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol2.djvu/200

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— Je ne sais pas : je ne l’aimais pas beaucoup quand il n’était que mon cousin ; je le trouvais trop fol et trop meneur de vacarmes. Mais, quand on nous eut conduit ensemble à l’église réformée et qu’on nous eut dit : « Vous voilà mariés, vous ne vous verrez plus que dans sept ou huit ans, mais votre devoir est de vous aimer ; » j’ai répondu : « C’est bien ; » et j’ai prié pour mon mari tous les jours, en demandant à Dieu de me faire la grâce de l’aimer quand je le reverrais.

— Et tu ne l’as jamais revu ! Est-ce que tu as eu du chagrin quand il est mort ?

— Oui, Mario. C’était mon cousin, j’ai pleuré beaucoup.

— Et, si je mourais, moi qui ne te suis ni cousin ni mari, tu ne pleurerais donc pas ?

— Mario, dit Lauriane, il ne faut pas parler de mourir : on dit que cela porte malheur quand on est jeune. Je ne veux point que tu meures, et je te dis encore que je t’aime beaucoup.

— Mais tu ne veux pas me promettre que je serai ton mari ?

— Eh ! qu’est-ce que cela te fait, Mario, que je sois ta femme ? Tu ne sais pas seulement si tu voudras te marier quand tu seras en âge.

— Ça me fait, Lauriane ! Je ne veux pas d’autre femme que toi, parce que tu es bonne et que tu aimes tous ceux que j’aime. Et, comme tu dis qu’on doit aimer son mari, je vois que tu m’aimeras toujours si nous sommes mariés : au lieu que, si tu es mariée avec un autre, tu ne penseras plus à m’aimer. Alors, moi, j’aurai un grand chagrin, et j’ai envie de pleurer rien que d’y songer.

— Et voilà que tu pleures tout de bon ! dit Lauriane