Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol2.djvu/201

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en lui essuyant les yeux avec son mouchoir. Allons, allons, Mario, je te dis que tu as mal, ce soir, et qu’il te faut souper et bien dormir ; car tu te fais des peines pour ce qui n’est point encore, au lieu de te réjouir de celles que tu as surmontées cette nuit.

— Ce qui est passé est passé, dit Mario ; ce qui est à venir… Je ne sais pas pourquoi j’y pense aujourd’hui ; mais j’y pense, et c’est malgré moi.

— Tu as été trop secoué !

— Peut-être bien ! Pourtant, je ne me sens point las ; et je ne sais pas non plus pourquoi j’ai pensé à toi toute la nuit, dans tous les moments où je me suis trouvé en grand péril, ainsi que mon père. « Si nous périssons tous les deux, me disais-je, qui donc sauvera ma Lauriane ? » Vrai, je songeais à toi autant et peut-être plus qu’à ma Mercédès et à tous les autres. Tiens, c’est surtout quand j’ai rencontré Pilar que j’ai pensé à toi.

— Et pourquoi cette méchante fille te faisait-elle penser à ta Lauriane ?

Mario réfléchit un instant et répondit :

— C’est que, vois-tu, quand j’étais en voyage avec les bohémiens, je jouais et causais souvent avec cette petite, qui sait l’espagnol et un peu l’arabe, et qui me faisait peine, parce qu’elle avait l’air malade et malheureux. Mercédès et moi, nous étions bons pour elle tant que nous pouvions, et elle nous aimait. Elle appelait Mercédès ma mère, et moi mon petit mari. Et, quand je disais : « Non, je ne veux pas, » elle pleurait et boudait, et, pour la consoler, j’étais obligé de lui dire : « Oui, oui, c’est bon ! »

» Cette nuit, elle nous a rendu service, j’en conviens ; elle a couru très-diligemment avertir MM. Robin et Guillaume, comme je le lui avais commandé ; mais elle ne