Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol2.djvu/208

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première pensée, et qui l’avait frappé au cœur pendant que d’Alvimar se résignait à l’aider et à profiter du crime.

» Il n’est que trop vrai que l’unique but de cet assassinat, dont les auteurs ne connaissaient pas la victime, fut le désir de s’emparer d’une somme et d’une cassette de bijoux que votre frère avait imprudemment laissé voir, la veille, dans une hôtellerie.

» À cette époque de sa vie, M. d’Alvimar était fort jeune, et si pauvre, qu’il doutait de pouvoir faire les frais de son voyage jusqu’à Paris, où il espérait trouver des protections. Il était ambitieux : c’est là un grand péché, je le reconnais, monsieur le marquis ; c’est la pire tentation de Satan.

» Sanche nourrissait et excitait chez son fils cette ambition maudite. Il eut à vaincre sa répugnance ; mais il triompha en lui montrant que ce meurtre se présentait comme une occasion sûre qui ne se retrouverait point, et le mettrait à l’abri de la nécessité de s’avilir en implorant la pitié d’autrui.

» Lorsque M. d’Alvimar me fit cette confession, Sanche était présent et baissa la tête sans chercher à s’excuser. Tout au contraire, quand j’hésitai à donner l’absolution à un forfait qui ne me paraissait pas suffisamment expié, Sanche s’accusa avec énergie, et je dois vous avouer qu’il y avait comme de la grandeur dans la passion de cette âme farouche pour le salut de son fils.

» Je pensais dès lors avoir affaire à deux chrétiens, coupables tous deux, mais tous deux repentants ; mais Sanche me remplit d’horreur et d’épouvante aussitôt que son fils eut rendu l’âme.

» C’était une scène affreuse, monsieur, et que je n’oublierai de ma vie !