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XLI


M. Poulain, sans être un physionomiste voyant de haut, avait assez de finesse, mais il ne fut d’abord frappé que de l’agrément de la physionomie du prince.

Celui-ci le reçut tête à tête dans son cabinet et le fit asseoir. Il témoignait de grands égards à la moindre soutane.

— Monsieur l’abbé, lui dit-il, me voici prêt à vous entendre. Excusez-moi si de grandes occupations m’ont obligé de vous faire attendre longtemps ce rendez-vous. Vous savez que j’ai dû aller à Paris chercher M. le duc d’Enghien ; il m’a fallu ensuite lui trouver une autre nourrice, celle que madame sa mère lui avait choisie ayant autant de lait qu’une pierre, et puis… Mais parlons de vous qui me semblez un homme de volonté. La volonté est une belle chose ; mais je m’étonne de vous voir si entêté de vous adresser à moi pour une si petite affaire. Votre hobereau de… Comment appelez-vous l’endroit ?

— Briantes, répondit respectueusement le recteur.

Le prince le regarda en dessous et vit, sous son humilité, une certaine assurance qui l’inquiéta.

C’est le propre des grands esprits d’aimer à pénétrer et à utiliser les forces qu’ils rencontrent. Le prince était trop méfiant pour ne pas être craintif. Son premier mouvement n’était pas tant de se servir des gens que de s’en préserver.

Il affecta l’indifférence.

— Eh bien, dit-il, votre hobereau de Briantes a tué dans un combat singulier, ou, pour mieux dire, dans un