Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol2.djvu/267

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d’elle, M. de Beuvre lui avait froissé le cœur en inventant de lui dire que le marquis et son héritier, consultés par lui à Bourges, avaient répondu avec beaucoup de froideur. Mario s’était montré très-fervent catholique en cette circonstance, il avait juré de ne jamais faire un mariage mixte.

Lauriane eût dû se méfier d’un père que la soif de l’or avait mordu jusqu’au fond des entrailles, et qui, pressé de s’éloigner, voulait à tout prix la décider à un prompt mariage. Elle refusa de se marier par dépit et à l’étourdie ; mais elle promit d’y songer, et renonça fièrement, dans son âme, à l’ingrat Mario. Elle l’avait aimé à Bourges, aimé d’amour pour la première fois, après des années d’amitié calme. Et ce premier amour de sa vie, à peine avoué, à peine révélé à elle-même, il fallait en rougir de honte et le briser sans faiblir !

Elle eut cependant quelques doutes ; mais, si son père ne lui jura pas qu’il n’exagérait rien, il put au moins lui donner sa parole d’honneur qu’il avait proposé les fiançailles au marquis, et que celui-ci avait éludé l’offre sous prétexte que Mario était encore trop jeune pour se mettre l’amour en tête. Lauriane était trop pure pour comprendre les dangers qu’elle eût pu courir en retournant à Briantes. Elle se rappela qu’au moment de la quitter Mario, que l’on disait indisposé, avait haussé les épaules et détourné la tête en disant : « Vous faites trop d’état d’une crampe. Je ne sens plus aucun mal. »

Elle répéta donc à son père ce qu’elle lui avait dit avec sincérité quelque temps auparavant, à savoir qu’elle n’avait jamais regardé ce mariage comme possible, et elle l’encouragea à partir comme il le souhaitait, en lui jurant qu’elle épouserait le prétendant convenable qui ne lui inspirerait pas d’aversion.