Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol2.djvu/266

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quand Adamas lui reprochait de trop renfermer ses pensées :

— Mon père est vieux, répondait-il ; il me chérit comme une mère chérit son enfant. C’est affaire à moi de ne point abréger ses jours par des soucis, et le ciel m’a donné charge de le faire vivre longtemps.

Lauriane vivait au fond du Poitou et donnait rarement de ses nouvelles ; c’était dans un style affectueux et respectueux pour le marquis ; mais elle traçait à peine le nom de Mario, comme si elle eût craint de se rappeler à son souvenir.

En revanche, elle s’exprimait avec une vive tendresse sur le compte de la Morisque, de Lucilio et des bons serviteurs de la maison. Il semblait que son affection, contenue avec ceux qui y avaient les premiers droits, eût besoin de prendre sa revanche avec les autres. Elle annonça même plusieurs fois, avec une sorte d’affectation, qu’on avait des projets de mariage pour elle, et que probablement elle ferait bientôt part d’une décision, souhaitant, disait-elle, de faire agréer son choix au marquis, qu’elle considérait comme un second père.

Ce qu’il y avait d’étrange dans ces mariages annoncés, c’est qu’elle y revenait tous les ans, comme à des projets renoués ou renouvelés, sans rien indiquer de ce qui pouvait intéresser ses amis à son choix, et comme si elle eût voulu leur faire entendre ceci au fond : « Je ne me marie pas, parce que ce n’est pas mon goût ; mais gardez-vous de croire que je me garde pour vous autres. »

Telle était, en effet, son intention en écrivant ces lettres, et voici quelle était la situation de son esprit :

En la conduisant au loin pour se séparer bientôt