Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol2.djvu/286

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

l’a-t-elle pas su ; mais il n’est plus temps de le lui apprendre, et à présent elle ne hait plus personne.

— Que veux-tu dire ?

— Que j’ai fait d’elle ce qu’elle voulait faire de vous.

— Quoi donc ? Parle !

— Non, c’est inutile, Mario, tu ne m’en aimerais pas davantage ; car tu me hais, je le sais.

— Je ne hais personne, répondit Mario ; je hais le mal, et les méchants instincts me font horreur. Tu as conservé les tiens, malheureuse fille ! Je l’ai bien vu hier, lorsque tu te faisais une joie folle de me troubler l’âme. Tu n’y réussiras jamais, sache-le, et laisse-moi tranquille ; le mieux pour toi est que je t’oublie.

— Écoute, Mario, s’écria Pilar parlant à demi-haut, d’une voix étranglée. Ce n’est pas ainsi qu’il me faut traiter ! Vrai, il ne le faut pas, si tu aimes quelqu’un sur la terre ! car, moi, je t’aime et je t’ai toujours aimé. Oui, dès le temps où nous étions aussi pauvres l’un que l’autre, dormant sur les mêmes bruyères et mendiant sur le même pavé, j’étais amoureuse de toi. Je suis née ainsi, je ne me souviens pas d’un jour de ma vie où la passion de l’amour ou de la haine ne m’ait pas dévorée. Je n’ai pas eu d’enfance, moi ! Je suis née de la flamme, et j’y mourrai, une vraie flammèche de bûcher ! Qu’importe ? Je vaux mieux ainsi pour toi que ta Lauriane, qui t’a toujours méprisé et qui n’aime jamais que ses vieux parpaillots… heureusement pour elle ! Oui, heureusement, je te dis ! car je sais votre vie à tous deux. Je suis retournée deux fois dans votre pays, et, un jour, j’ai passé tout près de toi sans que tu m’aies reconnue. Tu m’as jeté une petite pièce d’argent. Tiens, la voici à mon cou, cachée sous mes colliers comme ce que j’ai de plus précieux au monde ; je l’ai percée et j’y ai écrit ton