Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol2.djvu/291

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» Le défilé était coupé de trois fortes barricades couvertes par des boulevards et des fossés. Les rochers qui le commandent des deux côtés étaient couronnés de soldats et protégés par de petites redoutes.

Enfin, le canon du fort Tallasse, bâti sur une montagne voisine, balayait l’espace découvert entre Chaumont et l’entrée de la gorge. C’était une de ces positions dans lesquelles une poignée d’hommes paraît capable d’arrêter une armée entière.

« Rien n’arrêta cependant la furie française[1]. »

Tant d’excellents historiens nous ont transmis le récit de cette belle action, que nous ne ferions qu’un peu moins bien après eux : notre rôle n’est pas d’écrire l’histoire dans ses faits officiels, mais de la chercher dans ses épisodes oubliés. C’est pourquoi nous suivrons les beaux messieurs de Bois-Doré à travers le carnage, sans nous laisser éblouir par l’ensemble majestueux du tableau. D’autant plus le ferons-nous, qu’ils n’eurent pas le loisir de la contempler longtemps eux-mêmes.

La scène était magnifique : un combat de héros dans un site sublime !

Mario eut, au premier coup de canon, des échos d’ivresse dans de cœur. Comment il franchit la première barricade, si ce fut sur un cheval ailé ou « sur le propre souffle embrasé du dieu Mars ; » comment il oublia le serment fait à son père de ne pas s’éloigner de lui, il ne l’a jamais su. Toute la passion de son âme, toute la fièvre de son sang, contenues à l’habitude par la modestie et l’amour filial, firent en lui comme une éruption volcanique.

Il oublia même un instant que son père le suivait au plus fort du danger, et, pour ne pas le perdre de vue, s’exposait autant que lui.

  1. Henri Martin, Histoire de France.