Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol2.djvu/296

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mais il avait été rudement secoué de voir son cher Mario dans cette épreuve. D’abord il avait craint que l’enfant ne fût au-dessous de ses espérances ; car, depuis la terrible nuit de l’assaut de Briantes et de la mort de Sanche, Mario avait souvent montré beaucoup de répugnance pour la sang versé. Quelquefois même, à la voir si peu curieux du siége de La Rochelle, qui montait autour de lui toutes les jeunes têtes, le marquis, bien que satisfait de ses principes, avait eu peur de sa prudence. Mais quand il le vit fondre sur les barricades et grimper aux redoutes du pas de Suse, il le trouva trop téméraire et demanda pardon à Dieu de l’avoir amené là. Enfin, il avait pris confiance, et, sachant son aventure de la dépêche, il pleurait de joie et radotait de plaisir dans le sein du fidèle Adamas.

Celui-ci se faisait remarquer dans la ville par ses airs d’arrogance et le mépris qu’il faisait de tout ce qui n’était pas M. le marquis ou M. le comte de Bois-Doré. Aristandre était fort content d’avoir tué beaucoup de Piémontais mais il eût voulu tuer plus d’Espagnols. Clindor ne s’était pas mal comporté. Il avait eu bien peur au commencement ; mais il se disait prêt à recommencer.

Cependant Mario, au milieu de la joie des siens, était sous le coup d’une vive inquiétude. Lui, qui méprisait les vaines prédictions et qui avait traversé le feu sans y songer, il se sentait faiblir devant une folle menace, et Pilar repassait dans ses rêves, comme l’esprit du mal sous la forme d’un invisible et insaisissable ennemi. Il était payé pour savoir que les plus faibles adversaires peuvent, par la persévérance de la haine, devenir les plus redoutables. Il avait sans cesse Lauriane devant les yeux ; il lui semblait qu’un effroyable danger la menaçait. Il prenait ses craintes pour des pressentiments.