Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol2.djvu/300

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le rendre brave, il se jeta sur elle l’épée à la main, et faillit blesser Mario, que Pilar mit à découvert en évitant le coup.

Il n’en put porter un second ; Pilar le désarma sans qu’il sût comment, en se jetant sur lui d’un bond si rapide et si imprévu, qu’il fut forcé de lâcher prise.

— Tiens-toi tranquille, sot et fol que tu est, dit-elle. Je ne viens pas ici pour nuire à Mario, mais pour le sauver : ignores-tu que je l’aime, et que sa vie est la mienne ? Fais ce que je te commanderai, et dans deux jours il sera debout.

Clindor, ne sachant à quel saint se vouer, et voyant bien que le praticien appelé par lui empirait l’état du malade a chaque ordonnance, céda à l’ascendant de Pilar. Malgré la peur qu’elle lui causait, elle agissait sur ses sens par un prestige qu’il ne s’avouait pas, mais qu’il ne pouvait secouer. Par moments, il tremblait de lui confier la vie de Mario ; mais il obéissait en se disant qu’il était ensorcelé par elle.

La fièvre n’était chez Mario qu’un résultat de l’irritation nerveuse : un jour de repos eût guéri sa blessure. Mais le médecin lui avait appliqué un onguent curatif qui produisait sur tout son être l’effet du poison. Pilar lava et purifia la plaie.

Elle possédait ces secrets des Morisques auxquels les chrétiens d’Espagne avaient recours en désespoir de cause. Elle fit prendre au malade des contre-poisons efficaces. La pureté de son sang et le bel équilibre de son organisation aidèrent à l’effet des remèdes. Il recouvra à demi ses esprits la nuit même ; le lendemain matin, il ne délirait plus. Le soir, encore abattu par une grande faiblesse, il se sentait sauvé.

Dans son transport de joie, Clindor fit, sans le savoir,