Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol2.djvu/301

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une déclaration d’amour à l’habile bohémienne. Celle-ci n’y fit pas la moindre attention. Elle se cachait derrière la chevet du lit pour que Mario ne la vît pas. Elle savait bien que son apparition le troublerait.

Le surlendemain, Mario se sentit si courageux, qu’il donna à Clindor l’ordre de chercher à acheter une chaise de poste, afin qu’ils pussent continuer leur voyage. Clindor, voyant bien que c’était trop tôt, feignit de n’en pouvoir trouver, Mario lui commanda alors de lui amener des chevaux pour courir la poste.

Clindor se désolait de son obstination : Pilar intervint. Mario faillit retomber malade de colère en la voyant et en apprenant qu’il lui devait la vie. Mais il se calma aussitôt, et, lui parlant avec douceur :

— D’où viens-tu ? lui dit-il ; où as-tu été depuis que tu m’as fait ces menaces ?…

— Ah ! tu crains pour elle ! répondit Pilar avec un amer sourire. Calme-toi ; je n’ai pas eu le temps d’aller là-bas. Je n’irai pas, si tu veux cesser de me haïr.

— Je cesserai, Pilar, si tu renonces à ta vengeance ; car, si tu y persistes, je te haïrai autant que la vie que tu m’auras rendue.

— Ne parlons pas encore de cela pour le moment ; tu peux bien te tenir tranquille et ne point aller dans ton pays, puisque ma présence auprès de toi te répond de tout.

Pilar touchait le point essentiel de la situation. Mario se calma et consentit à attendre sa guérison à Grenoble. Il dut consentir aussi à voir Pilar auprès de lui. Il ne pouvait plus songer à livrer à la rigueur des lois celle qui venait de le sauver et qu’il devait tenter de ramener par la douceur. Il n’osait donc l’irriter par ses dédains, et malgré l’invincible répugnance qu’elle lui inspirait, il