Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol2.djvu/302

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en était réduit à s’inquiéter quand elle était longtemps dehors, et à se réjouir quand il la voyait rentrer.

Cet état de choses fut intolérable au bout de deux ou trois jours. Pilar, incapable d’aucun raisonnement moral, voulait être aimée ; elle peignait sa passion avec une sorte d’éloquence sauvage, la disant et la croyant chaste, parce qu’elle n’était pas gouvernée par les sens, et sublime, parce qu’elle avait toute l’ardeur d’une imagination déréglée et d’un dépit opiniâtre. Elle accablait Lauriane de malédictions et Mario de reproches amers, en disant sa folie sans pudeur devant le pauvre Clindor, qui s’embrasait auprès de ce volcan.

Mario fut bientôt lassé du rôle ridicule qu’il se voyait forcé de jouer. C’est en vain qu’il essayait de convertir cette nature incapable d’aimer le bien pour le bien, incapable même de deviner qu’il en pût être ainsi pour Mario, pour quelqu’un au monde.

— Si tu n’aimais pas follement cette Lauriane, lui disait-elle avec une effrayante candeur, tu me confierais le soin de ta vengeance ; car elle t’a dédaigné et te dédaignera toujours.




LXXIII


Mario put enfin se lever, et il sortit seul, un soir, affame d’air et de liberté, essayant ses forces, décidé à poursuivre son voyage, dût-il faire incarcérer Pilar jusqu’à nouvel ordre, dût-il se laisser suivre par elle afin de la tenir en respect.