Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol2.djvu/306

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Il rentra chez lui et ne l’y trouva pas. Clindor ne l’avait pas vue depuis que son maître était sorti.

Mario sentait renaître toutes ses inquiétudes ; à tout hasard, il descendait vers la rue, lorsqu’il entendit un tumulte qui lui fit troubler le pas. Il vit Pilar, que des archers emmenaient à la lueur des flambeaux. Elle jetait de grands cris, des cris à la fois déchirants et féroces, et, lorsqu’elle aperçut Mario, elle étendit vers lui des mains suppliantes avec une expression de désespoir qui l’ébranla un instant.

— Ah ! cruel ! lui cria-t-elle, c’est toi qui me fais jeter dans un cachot pour prix de mon amour et de mes soins ! Infâme ! tu veux te défaire de moi. Sois maudit !

Mario, sans lui répondre, interrogea le chef de l’escouade qui l’emmenait.

— Pouvez-vous me dire, lui demanda-t-il, si vous l’emprisonnez pour une nuit comme vagabonde, ou pour longtemps comme prévenue d’un crime ou d’un délit quelconque ?

Il lui fut répondu qu’elle n’était accusée que d’un délit. Le praticien qui avait si mal soigné Mario, mécontent de le voir guéri par une aventurière, avait accusé celle-ci de lui souffler ses malades, en des termes qui équivalaient, dans ce temps, à une accusation d’exercice illégal de la médecine, accusation qui pouvait avoir des conséquences beaucoup plus graves que de nos jours, puisqu’on pouvait toujours soulever la question de sorcellerie, crime que les plus graves magistrats prenaient au sérieux et punissaient de mort.

— Quoi qu’il arrive d’elle, se dit Mario, il faut que cette dangereuse fille perde la trace de Lauriane, qu’elle avait peut-être déjà trouvée.

Et, dès le lendemain, il courut au couvent.