Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol2.djvu/305

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Une vieille tante, la seule parente et amie fidèle qui lui restât, était supérieure au couvent de la Visitation de Grenoble : c’était une ancienne protestante, jetée toute jeune dans cette maison, et qui s’y était laissé convertir. Mais elle avait conservé pour les protestants une grande mansuétude, et elle appela Lauriane avec tendresse pour la cacher et la protéger jusqu’à la fin de la guerre du Midi. Lauriane avait trouvé là quelque repos et beaucoup d’affection.

Pas plus que chez les religieuses de Bourges, on ne l’avait persécutée. Par égard pour sa tante, on avait feint même d’ignorer qu’elle fût dissidente, et elle pouvait sortir seule et masquée pour porter des secours et des consolations à de malheureux protestants logés dans les faubourgs.

— Lauriane, dit Mario, il ne faut plus sortir, il ne faut plus vous montrer jusqu’à ce que je vous le dise. C’est par un secours de la Providence que vous n’avez pas été rencontrée et reconnue par un invisible et dangereux ennemi. Vous voici à la porte du couvent ; jurez-moi, par la mémoire de votre père, que vous ne franchirez pas cette porte avant de m’avoir revu.

— Vous reverrai-je donc, Mario ?

— Oui, demain. Pouvez-vous m’entendre au parloir ?

— Oui, à deux heures.

— Jurez-vous de ne pas sortir ?

— Je le jure.

Mario vit, cette fois, avec plaisir, la porte du cloître se refermer entre Lauriane et lui ; il l’y jugeait en sûreté, si Pilar ne l’y découvrait pas. Il fit l’exploration attentive des alentours du couvent, pour s’assurer qu’il n’avait pas été suivi et guetté par elle. Il la savait capable de sacrifier toute la communauté pour atteindre sa rivale.