Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol2.djvu/309

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désormais vivre non loin de vous, sans que l’on puisse me soupçonner d’aspirer à autre chose qu’à votre amitié. »

Mario écoutait Lauriane, tout confus et tout tremblant.

— Lauriane, lui dit-il avec feu, c’est vous qui dédaignez mon nom, mon âge et mon cœur, en me parlant de cette tranquille chaîne d’amitié qu’il vous serait aisé de reprendre. Mais c’est à moi de dire : Il est trop tard. Je vous ai toujours saintement aimée, et je ne crois pas vous aimer moins religieusement, parce que je vous aime avec plus de passion depuis que je vous ai perdue et depuis que je vous retrouve.

» Moi aussi, Lauriane, j’ai bien souffert ! Mais je n’ai jamais désespéré tout à fait. Quand j’avais bien caché ma peine, pour ne pas me laisser mourir de langueur, Dieu m’envoyait, comme un secours de grâce, des bouffées d’espoir en lui et de foi en vous.

»

— Elle sait, elle doit savoir que j’en mourrais, me disais-je ; elle m’aimera, elle n’en aimera pas un autre, ne fût-ce que par bonté d’âme ! Je ne suis qu’un enfant, mais je peux me rendre digne d’elle bientôt et bien vite, en travaillant beaucoup, en me gardant le cœur bien pur, en ayant du courage, en rendant heureux ceux qui m’aiment et en me battant bien quand viendra une bonne guerre ; car celle-ci est bonne, n’est-ce pas, Lauriane, et vous ne pouvez pas avoir aujourd’hui le cœur changé au point d’aimer les Espagnols ?

— Non, certes ! répondit-elle. Et c’est parce que M. de Rohan a voulu cette alliance de folie, de honte et de désespoir, que j’attendais ici la fin des événements sans vouloir m’y intéresser davantage.

— Voyez-vous bien, Lauriane, que rien ne nous sépare