Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol2.djvu/98

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Et il allait s’élancer hors du jardin, lorsque Pilar le retint.

— Fais attention qu’il doit venir ici d’autres maudits, je le sais. Si tu les rencontres, cache-toi bien, car tes habits à boutons d’or reluisent dans la nuit comme des diamants, et, pour avoir tes habits, ils te tueront !

— Une idée ! s’écria Mario. Je vais vitement reprendre mes loques de malheureux qui sont là ?

Le lecteur se souvient du trophée champêtre, sentimental et philosophique, suspendu dans la chaumière en grande cérémonie.

Mario le détacha lestement, et, en deux minutes, jetant là soie, velours et galons, il se revêtit de son ancienne défroque ; après quoi, on se dirigea vers l’huis, en marchant sans bruit et sans dire un mot.

Il n’y avait guère qu’une cinquantaine de pas à faire le long du mur en dehors du jardin. On les fit, sinon sans danger, du moins sans encombre, au bruit des rires, des blasphèmes, des cris et des chants rauques qui partaient de la ferme.

La tour de l’huis était sombre et muette. Aristandre plaça les deux enfants tout près de la sarrasine, Mario en avant, touchant au dernier pieu de gauche. Puis il prit sa main dans la sienne pour lui faire saisir l’anneau de la chaîne qui tenait levé le tablier du pont.

Il ne s’agissait que de faire sortir cet anneau du crochet planté dans la muraille.

Il n’y avait plus un mot à échanger. Autour d’eux, sur l’escalier, sur leurs têtes, pouvaient et devaient se trouver des sentinelles endormies ou inattentives.

Mario ne pouvait serrer les mains du carrosseux dans les siennes, qui tenaient déjà l’anneau sorti et la chaîne tendue. Il porta ses lèvres sur cette main rude et y déposa