Page:Sand - Les Deux Freres.djvu/113

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Espérance, son compagnon, son protecteur, son ami inséparable. Ils vivront toute leur vie comme ils l’ont vécue déjà, sans découvrir une tache l’un dans l’autre, sans comprendre d’autre joie que celle de s’appartenir. Ils croiront l’un en l’autre comme ils croient en Dieu, ils se respecteront…

— Marions-les ! s’écria la comtesse vaincue et les yeux pleins de larmes. Ah ! l’amour, la foi, le respect mutuel… Quand il n’y a pas cela dans le mariage, il n’y a qu’esclavage, honte et désespoir !

Elle se leva, sentant que le cri suprême de sa vie lui échappait devant moi. La pendule sonnait la demie après neuf heures.

— Nous nous en irons par la montagne, me dit-elle ; dans le souterrain, nous risquerions de rencontrer Gaston. — Adieu ! ajouta-t-elle en tendant ses deux mains à Salcède avec une franchise d’effusion souveraine ; comme toujours, vous m’avez délivrée d’une mortelle anxiété, comme toujours vous m’avez rendu l’espoir et la confiance. Soyez béni, vous ! toujours béni !

Elle paraissait exclusivement maternelle dans cet élan, et ne pas souffrir de ma présence. Salcède pâlit et rougit simultanément comme un homme dont les passions ne seraient point assouvies, et qui aurait conservé l’impressionnabilité de la première jeunesse. Il me sembla le revoir comme au temps où il avait l’âge de Gaston, frémissant d’effroi et de plaisir, quand, sur la route de Fla-