Page:Sand - Les Deux Freres.djvu/120

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me rendre compte de ce que je faisais, j’étendis le bras pour le repousser en disant :

— Allons, assez ! nous partons.

Mais il posa sa petite main d’acier sur mon bras, et son regard fut terrible. Il me dit clairement, sans le secours de la parole : « Arrière, valet ! Je suis le comte de Flamarande.

En ce moment, il ressemblait à M. le comte dans ses plus durs moments de hauteur, et je fus effrayé comme à la vue d’un spectre.

Il s’approcha de la calèche où étaient la comtesse et la baronne, et, avec une promptitude d’observation miraculeuse, sans être remarqué de personne, il posa ses lèvres sur la main dégantée que sa mère appuyait au bord de la portière. Roger était sur le siége ; il ne vit Espérance qu’en sautant à terre, car nous avions à remonter au pas une côte égale à celle que nous avions descendue, et il préférait marcher. Il fit une exclamation de joie, prit le bras de son frère et passa en avant avec lui, comme pour lui parler sans être entendu des autres.

Le courage m’était revenu. Je me disais que tout allait bien et qu’il ne fallait pas échouer au port. Je doublai le pas pour les rejoindre, et, pour prétexte à donner à mon intervention, je demandai à Roger s’il avait sur lui les clefs de ses malles.

— Ma foi, non, répondit-il. Depuis quand suis-je chargé de penser à quelque chose ? Si tu les as