Page:Sand - Les Deux Freres.djvu/123

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Et vous avec, si vous êtes las.

— Dis-moi donc, reprit Roger, qui lui tenait la main et le regardait en face, est-ce exprès que tu prononces charabia ce matin, quand j’ai vu que tu parlais français mieux que moi ?

— Non, ça n’est pas exprès. J’ai l’habitude des deux manières, et je parle comme ça me vient.

La voiture de la comtesse arrivait, madame vit les deux frères se serrer la main en se séparant ; puis Gaston repassa près d’elle en soulevant son chapeau, et ils échangèrent un regard d’amour dont je compris bien l’éloquence.

Je voulus monter auprès de Roger pour guetter quelque moment d’expansion.

— Non, me dit-il, cette voiture est assez chargée, va dans l’autre.

Il ne me parla plus jusqu’à Montesparre. Évidemment il était aux prises avec le problème. Il avait des soupçons étranges. Quelle circonstance avait donc pu les faire naître ? Était-ce seulement le cri échappé à sa mère dans la chapelle ?

En route et à l’arrivée, il fut gai devant elle comme de coutume ; mais je le trouvais rêveur, et j’aurais voulu le servir comme à Flamarande pour être à même de surprendre ses pensées ; malheureusement, son domestique l’attendait là, et le décorum ne me permettait pas, à moi admis à la table des maîtres, de reprendre mes anciennes fonctions de valet de chambre auprès de mon cher enfant.