Page:Sand - Les Deux Freres.djvu/146

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prenez donc ce café, mon maître. Vous voilà tout changé, vous qui étiez si gai tout à l’heure ! Qu’est-ce qu’il vous faut ? qu’est-ce qu’on peut faire pour vous contenter ?

— Il faut m’obéir, lui répondit Roger d’un ton rude.

— Commandez-moi.

— Va me chercher d’autre café. Celui-là est détestable ;… non, il est bon, reviens. Remets du bois dans le feu ;… non, il y en a trop, ôtes-en. Assez.

Roger faisait là une épreuve comme un enfant qu’il était, pour voir si son frère, informé de son droit d’aînesse, se révolterait contre lui. Gaston, plus fin, montrait une soumission passive.

— Et à présent ? dit-il quand il eut obéi au caprice de ces ordres contradictoires.

— À présent, dit Roger attendri intérieurement, ton service est fini.

— Il faut m’en aller ?

— Non, il faut t’asseoir là.

— À votre table ?

— Oui, à ma droite… Non, à ma place ! Donne-moi ça, ajouta-t-il en se levant et en prenant la serviette que son frère avait sous le bras. — Monsieur le comte veut-il prendre son café ?

Espérance, stupéfait, restait debout, ne sachant s’il devait se prêter à un jeu si étrange.

— Réponds-moi, lui dit Roger en lui prenant les