Je venais de recevoir le coup de grâce. Gaston, le plus tendre des êtres, le plus ardent au retour quand il avait grondé ou boudé injustement, pardonnait à tout le monde, excepté à moi, et, quand tout le monde me pardonnait en la personne du plus offensé, — M. de Salcède, — celui que j’avais le plus aimé, celui pour qui j’avais fait le mal, ne me pardonnait pas ! Il était apaisé, il s’était attendri, il avait rendu justice à tous, même à Salcède, dont la confiance l’avait flatté, même à Ferras, qui l’avait glacé et ennuyé toute sa vie, par qui il avait appris le secret de la famille, tandis qu’il me condamnait sans retour, moi, pour un mot, pour une intention qu’il n’avait pas voulu comprendre. Et je sentais qu’il n’en reviendrait pas, je le connaissais. Il avait, en dépit de la facilité de son caractère, une certaine obstination de ressentiment quand il croyait qu’on lui avait donné un faux avis ou une mauvaise direction. Que serait-ce, d’ailleurs, si jamais il apprenait tout ce que j’avais fait de déloyal pour l’amour de lui ! Je ne doutais pas de la parole de Salcède, mais telle circonstance pouvait se produire où je serais forcé de m’accuser moi-même, et dès lors de quel mépris mon pauvre enfant ne m’accablerait-il pas !
Mon parti fut vite pris. Je résolus de me soustraire à cette dernière amertume par la fuite. Tout était convenu pour la réintégration de Gaston dans ses droits, Roger abondait dans ce sens.