Page:Sand - Les Deux Freres.djvu/256

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terez jamais ; mais on veut qu’à ces sentiments si purs et si élevés il s’en joigne un plus intime, qui consiste dans le désir d’appartenir à l’homme que l’on admire. — Eh bien, ce sentiment-là n’a jamais existé et n’existera jamais en moi. Vous seul au monde méritiez de me l’inspirer, et, si je l’éprouvais, je ne rougirais pas de l’avouer à un homme tel que vous ; mais, je vous l’ai dit l’autre jour, la mère a tant souffert en moi qu’elle a tué la femme. L’épouse n’a que des souvenirs amers, l’amante n’a jamais eu le loisir et la santé morale qui auraient pu la développer. Vous l’avez compris, mon brave Salcède, puisque vous ne m’avez jamais dit un mot ni adressé un regard empreint de volupté. Sachez bien à présent qu’à cet égard je suis morte de mort violente, mes sens se sont glacés dans les larmes, et je ne sens rien en moi de ce qu’il faut pour donner du bonheur comme l’entend ma pauvre Berthe. Je ne sais que chérir avec la franchise d’une chasteté inaltérable, et, de moi à vous, après les accusations portées contre nous, s’il n’en avait pas toujours été et s’il n’en devait pas être ainsi pour toujours, je mériterais, sinon d’avoir été condamnée par mon mari, du moins d’avoir été soupçonnée. Allons, cher Salcède, ôtons cette chimère de l’esprit de notre amie ; aidez-moi à la détromper.

Et, comme Salcède semblait accepter son arrêt sans dire un mot, soit qu’il craignît de se tra-