Page:Sand - Les Deux Freres.djvu/263

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Je vis que M. de Salcède avait déjà parlé à la baronne, non de sa résolution de l’épouser, mais des bonnes raisons que la comtesse lui avait données pour le faire renoncer à sa main. Il était plus pâle qu’à l’ordinaire ; cependant rien ne trahissait en lui la douleur d’une déception qu’il avait sans doute prévue et acceptée d’avance, et qu’il subissait avec une douce et noble résignation. Madame de Montesparre ne pouvait se défendre de l’observer avec une secrète angoisse mêlée d’espoir et de crainte. Roger, toujours gai à la surface, me parut pourtant un peu agité intérieurement. Il avait évidemment senti dans l’air quelque projet qui ne lui souriait pas, quelque décidé qu’il fût à tout accepter. Il voulait sans doute en avoir le cœur net, car il se remit à taquiner la baronne sur ses distractions, lui demandant si c’était qu’elle daignait enfin s’apercevoir de son martyre et si elle songeait à couronner sa flamme. La baronne, au lieu de rire comme de coutume de ses madrigaux, lui répondit avec un peu d’humeur, et Roger, étonné, se tourna tout à coup vers Salcède, qui probablement lui avait légèrement poussé le coude ou le genou. Roger sourit et lui dit tout bas :

— C’est différent, mon cher marquis.

Et il cessa ses plaisanteries.

Gaston parla peu, comme il avait coutume de faire quand il n’était pas stimulé par une vive émotion. Il avait toujours son costume villageois et