Page:Sand - Les Deux Freres.djvu/41

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

imaginé que ni sa femme ni son fils absent n’assisteraient aux derniers honneurs qui lui seraient rendus ? ou bien avait-il tracé son dernier ordre dans un de ces moments d’abattement suprême où le passé s’efface comme un vain rêve ? Il ne m’avait pas consulté, je n’avais qu’à obéir, et je me sentais redevenu passif devant le choc inévitable.

Je roulais ces pensées dans mon esprit durant les heures que je passai souvent en tête-à-tête dans le wagon mortuaire avec madame de Flamarande. Les autres compartiments du même wagon contenaient miss Hurst, deux domestiques des plus attachés au comte et deux vieux parents qui voulurent l’accompagner jusqu’à Clermont. Madame voyageait tantôt avec les uns, tantôt avec les autres. Elle continuait à être grave et recueillie comme la situation le commandait, et je la trouvais réservée à un point qui m’inquiétait. Elle semblait réfléchir profondément au nouvel horizon qui s’ouvrait devant elle ; mais elle ne voulait plus dire ses craintes ou ses espérances, et, quand, m’efforçant de la distraire, je lui disais qu’elle allait se trouver pour la première fois au milieu de ses deux enfants, elle me souriait doucement comme pour me dire merci, et ne s’expliquait plus.

Je pensais la deviner. Elle n’était pas décidée. La mort imprévue de son mari avait tout remis en question pour elle. Enfin, aux approches de Flamarande, comme j’insistais, lui demandant, pour