Page:Sand - Les Deux Freres.djvu/48

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grin pour cette affaire-là. Espérance aime Charlotte d’une amitié qui n’est pas commune ; il l’aime depuis le jour qu’elle est venue au monde, et on peut dire qu’il n’a jamais voulu seulement regarder la figure d’une autre femme. Ils se sont élevés comme ça sans se quitter et sans qu’on songe à les reprendre. Il n’y avait pas de mal, et il n’y en a pas ; mais voilà qu’Espérance va devenir M. le comte de Flamarande, et il ne pourra plus être question d’épouser la petite Michelin. Michelin, qui fait le fier à cette heure, qui ne se rend pas volontiers à l’idée de ce mariage-là, se repentira de ne l’avoir pas accordé la première fois que les enfants lui en ont parlé. Il aura la crête bien rabattue, pas moins !

— Vous êtes donc sûr que madame la comtesse n’y consentirait pas ? Qui sait ?

— Madame la comtesse est une femme point fière et bonne comme les bons anges ; mais le frère ? ce jeune homme qu’on ne connaît point, et les autres parents, et enfin tous les gros messieurs et dames de cet ordre-là ? Moi, je n’y connais rien, mais je sais bien que des seigneurs qui épousent des bergères, ça ne se voit que dans les contes et complaintes, et j’ai dans l’idée que notre gars Espérance sentira en lui du changement quand il sera M. Gaston. Pourtant ça n’ira pas tout seul, croyez-moi. Ce garçon-là n’est pas fait comme un autre ; quand il a une idée, elle tient rude.