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bonheur : autrement, elle serait la première à penser que vous avez sur elle une jalousie bien mauvaise.

JEAN.

De la jalousie, moi ? Si Gervaise croit que j’ai de la jalousie quand elle s’arrange avec un autre sans me donner le temps de la réflexion, elle a grand tort ! J’aurais cru qu’elle sauterait en arrière quand on lui offrirait une consolation si prochaine ! Mais, puisqu’elle est là bien tranquille, je tâcherai de faire comme elle fait et de me consoler avec celle-ci ou avec celle-là. (À Blanchon.) Tant qu’à toi, ce que tu fais là est d’un homme très-bon, je peux pas dire autrement ; mais c’est aussi d’une bête, car tu dois voir l’ennui que j’en ai, et, si tu veux savoir la chose… je ne veux point de ça ! non ! je ne le veux pas ! et, si tu regardes cette fille-là seulement une minute avec des yeux de propriétaire… je suis dans le cas de vous tuer tous les deux ! (Jeanne revient.)

BLANCHON.

Oh ! faut pas me parler comme ça, Jean ! ça ne convient plus… C’est pas par menace que tu m’empêcheras de tenir la parole qu’on m’a fait donner… J’ai plus peur de toi, depuis que je peux plus t’admirer. T’étais pour moi comme un dieu ; mais tu me fais voir que t’es pas seulement un homme, et, pour lors, je m’embarrasse pas de te contenter oui ou non… Tu m’as commandé le mal, t’as pas le droit de me défendre le bien ; c’est pas déjà si amusant pour moi d’oublier celle que j’aime, faut pas encore vouloir m’ôter l’estime de celle qu’on m’oblige d’aimer.

JEAN.

Oh ! plains-toi de ça, je te le conseille ! épouser la plus jolie fille du pays, la plus douce, la plus aimable… et la plus sage… Oui, je vous dis qu’elle est la plus sage, car elle m’aimait et me fuyait. Elle est la seule qui, au lieu de m’écouter au bout d’une semaine, m’a repoussé pendant un an ! Et c’est cette fille-là que tu prétends avoir pour femme, toi ? Tu l’auras pas, mille noms d’un tonnerre ! j’en jure, et, quand je devrais…

BLANCHON.

Jean !…