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Les Maîtres sonneurs

hardes à raccommoder ; elles doivent avoir besoin de moi, car il y a longtemps que je ne m’en suis pas mêlée.

Thérence la laissa examiner le trousseau de Joseph ; mais il ne s’y trouva pas un seul point à faire, ni seulement un bouton à coudre, tant on y avait bien veillé ; et Brulette parla d’acheter du linge à Mesples le lendemain, pour lui faire des chemises neuves. Mais il se trouva que celles que Thérence cousait en ce moment étaient destinées à Joseph, et qu’elle voulait les finir seule, comme elle les avait commencées.

Les soupçons venant de plus en plus à Brulette, elle fit semblance d’insister là-dessus, et Joseph même fut obligé d’y dire son mot, à savoir que Brulette s’ennuyait à ne rien faire. Alors Thérence jeta son ouvrage avec colère, disant à Brulette : — Finissez-les donc toute seule ; je ne m’en mêle plus ! Et elle s’en alla bouder en la maison.

— Joset, dit alors Brulette, cette fille-là n’est ni capricieuse ni folle, comme je me le suis imaginé ; elle est amoureuse de toi !

Joseph eut un si grand saisissement, que Brulette vit bien qu’elle avait parlé trop vite. Elle ne s’imaginait point encore combien un homme malade dans son corps, par suite du mal de son esprit, est faible et craintif devant la réflexion.

— Que me dis-tu là ! s’écria-t-il, et quel nouveau malheur serait donc tombé sur moi ?

— Pourquoi serait-ce donc un malheur ?

— Tu me le demandes, Brulette ? Est-ce que tu crois qu’il dépendrait de moi de lui rendre ses sentiments ?

— Eh bien, dit Brulette, tâchant de l’apaiser, elle s’en guérirait !

— Je ne sais pas si on guérit de l’amour, répondit Joseph ; mais moi, si j’avais fait, par ignorance et par manque de précaution, le malheur de la fille au Grand-