Page:Sand - Les Maitres sonneurs.djvu/304

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me bailler. Baille-la-moi, cette chose qui m’est bien due, baille-moi la confidence de tes peines.

Brulette devint rouge, fit un effort pour parler, mais ne put dire un mot. On aurait cru que je la forçais de se confesser à elle-même et qu’elle s’en était si bien défendue qu’elle n’en savait plus le moyen.

Elle leva ses beaux yeux sur le pays que nous avions devant nous, car nous nous étions placés au bout du bois, sur un herbage en terrasse qui surmontait un joli vallon tout bosselé en tertres couverts de cultures.

Au-dessous de nos pieds coulait la petite rivière, et, de l’autre côté, le terrain se relevait tout droit sous une belle futaie de chênes peu étendue, mais si foisonnante en grands arbres qu’on eût dit d’un coin de la forêt de l’Alleu. Je vis dans les yeux de Brulette à quoi elle pensait, et, lui reprenant sa main, qu’elle m’avait retirée pour se prendre le cœur, comme une personne qui souffre de ce côté-là : — Est-ce Huriel ou Joseph ? lui dis-je d’un ton où je ne mettais ni moquerie ni malice.

— Ce n’est pas Joseph ! répondit-elle vivement.

— Alors, c’est Huriel ; mais es-tu libre de suivre ton inclination ?

— Comment aurais-je de l’inclination, répondit-elle en rougissant toujours plus, pour quelqu’un qui n’a sans doute jamais songé à moi ?

— Ça n’est pas une raison !

— Si fait, je te dis.

— Eh non, je te jure. J’en ai bien eu pour toi !

— Mais tu t’en es corrigé.

— Et toi, tu, te corriges à grand’peine ; ce qui veut dire que tu en es encore malade. Mais Joseph ?

— Eh bien, quoi, Joseph ?

— Tu ne t’es donc jamais engagée à lui ?

— Tu le sais bien !

— Mais… Charlot ?

— Eh bien, quoi, Charlot ?