Page:Sand - Les Maitres sonneurs.djvu/305

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Comme mes yeux étaient tombés sur l’enfant, les siens s’y tournèrent aussi, et puis revinrent sur moi, si étonnés, si clairs d’innocence, que je fus honteux de mon doute comme d’une injure que je lui aurais dite. — Ce n’est rien, répliquai-je vitement. Je disais Et Charlot, parce que je m’imaginais le voir s’éveiller.

Dans ce moment-là, une sonnerie de musette se fit entendre de l’autre côté de l’eau, dans les chênes, et Brulette en fut secouée comme une feuille par un coup de vent.

— Oui-dà, lui dis-je, la danse va s’engager chez la mariée, et je pense qu’on envoie la musique pour te chercher.

— Non ! non ! dit Brulette, qui était devenue pâle. Ce n’est ni un air, ni une musette du pays. Tiennet, Tiennet… ou je suis folle… ou celui qui joue là-bas…

— Le vois-tu ? lui dis-je, avançant sur la terrasse et regardant de tous mes yeux ; serait-ce le père Bastien ?

— Je ne vois personne, dit-elle en me suivant ; mais ce n’est pas le grand bûcheux… Ce n’est pas non plus Joseph… C’est…

— Huriel peut-être ! Ça me paraît moins sûr que la rivière qui nous en sépare ; mais allons-y tout de même ; nous trouverons un gué, et s’il est par là, il faudra bien que nous l’attrapions au passage, ce beau muletier, et sachions ce qu’il pense.

— Non, Tiennet, je ne veux point quitter ni déranger Charlot.

— Au diable Charlot ! Alors, attends-moi là ; j’y vas tout seul.

— Non, non, non ! Tiennet ! s’écria Brulette en me retenant à deux mains ; l’endroit est dangereux pour descendre.

— Quand je m’y devrais casser le cou, je te veux sortir de la peine où tu-es ! m’écriai-je.

— Quelle peine ? fit-elle en me retenant toujours et