Page:Sand - Les Maitres sonneurs.djvu/319

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Nous entendîmes que l’acheteur rappelait à Thérence, qui paraissait s’entendre aussi bien qu’homme que ce fut aux affaires du bûchage, une condition de son accord avec le père Bastien. C’était qu’il n’emploierait que des ouvriers bourbonneux pour le débitage des tiges, vu qu’eux seuls en savaient le ménagement, et non point ceux du pays, qui lui gâteraient ses plus belles pièces. « C’est bien, lui répondit la fille des bois ; mais pour le fagotage, nous prendrons qui nous voudrons. Nous ne sommes point d’avis de retirer tout ouvrage aux gens d’ici, qui nous molesteraient et nous prendraient en haïtion. Ils y sont déjà assez portés envers tout ce qui n’est pas de leur paroisse. »

— Or donc, Brulette, nous dit-elle quand fut parti le patron, qui avait établi son quartier à Sarzay, m’est avis que si rien ne te retient dans ton village, tu pourrais bien faire faire à ton grand-père un joli emploi de son été. Tu m’as dit qu’il était encore bon ouvrier, et il aurait affaire à un bon chef, qui est mon père et qui lui en laisserait prendre à son aise. Vous vous logeriez ici sans rien dépenser, nous ferions ménage ensemble…

Et comme Brulette mourait d’envie de dire oui, et n’osait point se trahir encore, Thérence ajouta : — Si tu barguignes, je croirai que tu as le cœur engagé dans ton endroit, et que mon frère arrive trop tard.

— Trop tard ? fit une voix bien sonnante qui venait de la petite fenêtre grillagée de lierre : que le bon Dieu fasse mentir cette parole-là !

Et Huriel, beau et frais comme un homme joli qu’il était quand le charbon ne lui faisait plus de tort, entra vitement et enleva Brulette dans ses bras pour lui baiser fortement les joues, car il n’était pas façonnier et ne connaissait point la retenue un peu glaçante des gens de chez nous. Il paraissait si content, criait si haut et riait si fort qu’il n’y avait pas moyen pour elle de s’en fâcher. Il me bigea aussi comme du pain,