Page:Sand - Les Maitres sonneurs.djvu/320

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et sautait par la chambre comme si la joie et l’amitié lui eussent fait l’effet du vin nouveau.

Mais, tout d’un coup, ayant observé Charlot, il s’arrêta, regarda d’un autre côté, s’efforça pour dire deux ou trois mots qui n’avaient point rapport à lui, s’assit sur le lit de sa sœur et devint si pâle que je crus qu’il s’en allait en pâmoison.

— Qu’est-ce qu’il a donc ? cria Thérence étonnée ; et, lui touchant la tête, elle dit : — Ah ! mon Dieu, ta sueur se glace sur toi ! Tu te sens donc malade ?

— Non, non, fit Huriel en se relevant et se secouant. C’est la joie, le saisissement… ce n’est rien !

À ce moment-là, la mère de la mariée vint nous demander pourquoi nous avions quitté la noce, et si Brulette ou l’enfant n’étaient point malades. Voyant que nous avions été retenus par une compagnie étrangère, elle invita très-honnêtement Huriel et Thérence à venir se divertir avec nous, au repas et à la danse. Cette femme, qui était ma tante, étant sœur de mon père et du défunt père à Brulette, me paraissait être dans le secret de la naissance de Charlot, car il n’avait été fait aucune question sur lui, et on en avait eu grand soin en son logis. Mêmement, elle avait dit à son monde que c’était un petit parent, et les gens du Chassin n’en avaient pris aucun soupçon.

Comme Huriel, qui était encore troublé dans ses esprits, remerciait ma tante sans se décider à rien, Thérence le réveilla en lui disant que Brulette était obligée de reparaître à la noce et que s’il ne l’y suivait, il perdrait l’occasion de l’amener à ce qu’ils souhaitaient tous les deux. Mais Huriel était devenu inquiet et comme hésitant, lorsque Brulette lui dit : — Est-ce que vous ne me voulez point faire danser aujourd’hui ?

— Vrai, Brulette ? lui dit-il en la regardant bien aux yeux : souhaitez-vous m’avoir pour danseur ?

— Oui, car je me souviens que vous dansez au mieux.

— Est-ce là toute la raison de votre souhait ?