Page:Sand - Les Maitres sonneurs.djvu/370

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en riant de se voir devancer par lui, ce qui ne leur arrivait pas souvent. Ils s’égayèrent encore davantage en regardant comme je m’y prenais pour ne pas tomber dans la ruelle, en ouvrant les yeux sans savoir où j’étais.

— Or çà, dit Huriel, debout, mon garçon, car nous voilà en retard. Sais-tu une chose ? c’est que nous sommes aujourd’hui au dernier jour de mai, et que c’est chez nous la coutume d’attacher le bouquet à la porte de sa bonne amie, quand on ne s’est pas trouvé à même de le faire au premier jour du mois. Il n’y a point de risque qu’on nous ait prévenus, puisque, d’une part, on ne sait point où sont logées ma sœur et ta cousine, et que, de l’autre, on ne pratique pas chez vous ce bouquet du revenez-y. Mais nos belles sont peut-être déjà éveillées, et si elles sortent de leur chambre avant que le mai soit planté à l’huisserie, elles nous traiteront de paresseux.

— Comme cousin, répondis-je en riant, je te permets bien de planter ton mai, et comme frère, ta permission serait bonne pour le mien ; mais voilà le père qui n’entend peut-être pas de la même oreille ?

— Si fait ! dit le grand bûcheux. Huriel m’a dit quelque chose de cela. Essayer n’est pas difficile ; réussir, c’est autre chose ! Si tu sais t’y prendre, nous verrons bien, mon enfant. Cela te regarde !

Encouragé par son air d’amitié, je courus au buisson voisin et coupai, bien gaiement, tout un jeune cerisier sauvage en fleur, tandis qu’Huriel, qui s’était à l’avance pourvu d’un de ces beaux rubans tissus de soie et d’or qu’on vend dans son pays, et que les femmes mettent sous leurs coiffes de dentelle, mêlait de l’épine blanche avec de l’épine rose et les nouait en un bouquet digne d’une reine.

Nous ne fîmes que trois enjambées du pré au château, et le silence qui y était nous assura que nos belles dormaient encore, sans doute pour avoir causé ensemble