Page:Sand - Les Maitres sonneurs.djvu/371

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une bonne partie de la nuit ; mais notre étonnement fut grand lorsque, entrant dans le préau, nous vîmes un superbe mai tout chamarré de rubans blanc et argent, pendu à la porte que nous pensions étrenner.

— Oui-dà ! dit Huriel, se mettant en devoir d’arracher cette offrande suspecte, et regardant de travers son chien qui avait passé la nuit dans le préau. Comment donc avez-vous gardé la maison, maître Satan ? Avez-vous fait déjà des connaissances dans le pays, que vous n’avez pas mangé les jambes de ce planteur de mai ?

— Un moment, dit le grand bûcheux, arrêtant son fils qui voulait ôter le bouquet : il n’y a, par ici, qu’une connaissance que Satan soit capable de respecter et qui sache la coutume du revenez-y, pour l’avoir vue pratiquer chez nous. Or, tu as promis, à celui-là justement, de ne le point contrecarrer. Contente-toi donc de plaire sans le faire prendre en déplaisance, et respecte son offrande, comme sans doute il eût respecté la tienne.

— Oui, mon père, dit Huriel, si j’étais sûr que ce fût lui ; mais qui nous dit que ce ne soit pas quelque autre ? et pour Thérence peut-être ?

Je lui observai que personne ne connaissait Thérence et ne l’avait peut-être encore vue, et, en regardant les fleurs de nénufar blanc qui étaient là liées en gerbes et fraîchement arrachées, je me rappelai que ces plantes n’étaient pas communes dans l’endroit et ne poussaient guère que dans les marais du Lajon, où j’avais vu Joseph s’arrêter. Sans doute, au lieu de s’en aller à Saint-Chartier, il était revenu sur ses pas, et il avait même fallu qu’il entrât bien avant dans l’eau et dans le sable mouvant, qui y est dangereux, pour en retirer une si belle provision.

— Allons, dit Huriel en soupirant, c’est donc que la bataille commence entre nous ! Et il attacha son mai d’un air soucieux que je trouvai bien modeste de sa part, car il me semblait pouvoir être sûr de son fait et