Page:Sand - Les Maitres sonneurs.djvu/440

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— Laissez faire, dit Benoît, prêtant l’oreille ; je vois ce que c’est. J’ai rencontré, en venant ici par les caves du château, quatre ou cinq gaillards dont un m’est connu. C’est Léonard, votre ouvrier bourbonnais, père Bastien. Ces jeunes gens venaient aussi par curiosité sans doute ; mais ils s’étaient égarés dans les caveaux et n’étaient pas bien rassurés. Je leur ai donné ma lanterne en leur disant de m’attendre. Ils auront été rencontrés par les sonneurs en déroute, et ils s’amusent à leur donner la chasse.

— La chasse pourrait bien être pour eux, dit Huriel, s’ils ne sont pas en nombre. Allons-y voir !

Nous nous y disposions, quand les pas et le bruit se rapprochant, nous vîmes rentrer Carnat, Doré-Fratin et une bande de huit autres qui, ayant, en effet, échangé quelques bonnes tapes avec mes camarades, étaient revenus de leur poltronnerie et comprenaient qu’ils avaient affaire à de bons vivants. Ils se retournèrent contre nous, accablant les Huriel de reproches pour les avoir trahis et fait tomber dans une embûche. Le grand bûcheux s’en défendit, et le carme voulut mettre la paix en prenant tout sur son compte et en leur reprochant leurs torts ; mais ils se sentaient en force, parce qu’à tout moment il en arrivait d’autres pour les soutenir, et quand ils se virent à peu près au complet, ils élevèrent le ton et commencèrent à passer des insultes aux menaces et des menaces aux coups. Sentant qu’il n’y avait pas moyen d’éviter la rencontre, d’autant plus qu’ils avaient bu beaucoup d’eau-de-vie pendant les épreuves et ne se connaissaient plus guère, nous nous mîmes en défense, serrés les uns contre les autres, et faisant face à l’ennemi de tous côtés, comme se tiennent les bœufs quand une bande de loups les attaque au pâturage. Le carme y ayant perdu sa morale et son latin, y perdit aussi sa patience, car, s’emparant du bourdon d’une musette