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Les Maîtres Sonneurs

si on l’assassine de questions, il se prend à pleurer et on lui fait de la peine pour rien.

— M’est avis pourtant, cousine, dis-je à Brulette, que tu sais bien le confesser.

— J’ai eu tort, répondit-elle. Je pensais qu’il avait une plus grosse peine. Celle qu’il a te ferait rire si je pouvais te la raconter ; mais puisqu’il ne veut la dire qu’à moi, n’y pensons plus.

— Si c’est peu de chose, lui dis-je encore, tu n’en prendras, peut-être plus tant de souci.

— Tu trouves donc que j’en prends trop ? dit-elle. Est-ce que je ne dois pas ça à la femme qui l’a mis au monde et qui m’a élevée avec plus de soins et de caresses que son propre enfant ?

— Voilà une bonne raison, Brulette. Si c’est la Mariton que tu aimes dans son fils, à la bonne heure ; mais, alors, je souhaiterais d’avoir la Mariton pour ma mère : ça me vaudrait encore mieux que d’être ton cousin.

— Laisse donc dire des sottises comme ça à mes autres galants, répondit Brulette en rougissant un peu ; car aucun compliment ne l’avait jamais fâchée, encore qu’elle se donnât l’air d’en rire.

Et, comme nous sortions du champ, vis-à-vis de ma maison, elle y entra avec moi pour dire bonjour à ma sœur.

Mais ma sœur était sortie et, à cause de ses moutons qui étaient sur le chemin, Brulette ne la voulut pas attendre. Pour la retenir un peu, j’inventai de lui retirer ses sabots pour en ôter les galoches de neige et les embraiser ; et, la tenant ainsi par les pattes, puisqu’elle fut obligée de s’asseoir en m’attendant, j’essayai de lui dire, mieux que je n’avais encore osé le faire, l’ennui que l’amour d’elle m’avait amassé sur le cœur.

Mais voyez le diable ! jamais je ne pus trouver le fin mot de ce discours-là. J’aurais bien lâché le second et le troisième, mais le premier ne put sortir. J’en avais la sueur au front. La fillette aurait bien pu m’aider, si