Page:Sand - Les Sept Cordes de la lyre.djvu/117

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
107
les sept cordes de la lyre

qui t’appartient. Dieu ne t’aime peut-être pas ; Dieu ne t’appartiendra peut être jamais.

hanz. Les mains d’Hélène cherchent encore les cordes. Remarquez-vous, maître, qu’aujourd’hui elle joue davantage, et qu’elle semble établir un dialogue avec cette puissance invisible qui fait chanter la lyre ?

albertus. Aujourd’hui, il me semble que je suis sur la trace d’une explication naturelle du prodige. Cette lyre serait une sorte d’écho. Sa construction ingénieuse la rendrait propre à reproduire les sons déjà produits par la main qui en ébranle les cordes.

wilhelm. Ô maître, vous n’écoutez donc pas ? Les sons produits par la main d’Hélène et ceux qui se produisent ensuite d’eux-mêmes n’ont rien de commun. Ce sont des mélodies toutes différentes ; mais, comme elles ne changent ni de ton ni de mouvement, vous n’appréciez pas la différence continuelle des phrases.

albertus. Décidément, je suis un barbare.

hélène, jouant de la lyre. « Peut-être jamais ! » Que ces mots sont effrayants ! Est-il possible qu’on les prononce sans mourir ! Ah ! si l’homme pouvait dire avec certitude Jamais ! aussitôt il cesserait de vivre. Peut-être ! voilà donc le thème mélancolique que tu redis incessamment, ô terre infortunée ! Dans tes plus beaux jours de soleil comme dans tes plus douces nuits étoilées, ton chant est une continuelle aspiration vers des biens inconnus. Aussi Dieu a fait bien courte l’existence des êtres que tu engendres ; car le désir est impérieux ; et, si la vie de l’homme se prolongeait au delà d’un jour, le désespoir s’emparerait de son âme et consumerait sa puissance d’immortalité. Ô lune ! à ton aspect, la face de la terre se