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les sept cordes de la lyre

couvre de larmes, et son sein n’exhale que des plaintes, car ton spectre livide et ta destinée mystérieuse semblent remplir la voûte céleste d’un cri de souffrance et de crainte : Peut-être jamais !

hanz, à Albertus. Maître, vous devenez triste. Ce chant vous émeut enfin ?

albertus. Il me fait mal, j’ignore pourquoi.

wilhelm. Et moi, il me déchire.

l’esprit de la lyre. Hélène, Hélène, reviens à toi ; chasse ces terreurs inutiles. La nature est belle, la Providence est bonne. Pourquoi toujours aspirer à un monde inaccessible ? Que t’importe demain, si aujourd’hui peut donner le bonheur ? Si tu veux entrer dans la vie immatérielle, apprends la première faculté que tu dois acquérir, la résignation.

L’orgueil de l’homme ne veut jamais se plier à la sainte ignorance où végètent tant d’êtres paisibles dont son univers est peuplé. Vois, fille de la lyre, comme les fleurs sont belles ; écoute comme le chant des oiseaux est mélodieux ; respire toutes ces suaves émanations, entends toutes ces pures harmonies de la terre. Quel que soit l’auteur et le maître de ces choses, une pensée d’amour a présidé à leur création, puisqu’elle leur a départi la beauté et l’harmonie. Il y a bien assez de bonheur à les contempler. L’homme est ingrat quand il ferme ses sens à tant de chastes délices.

Ah ! plutôt que de chercher sans cesse à déchirer le voile qui te sépare de l’idéal, pourquoi ne pas jouir de la réalité ? Viens avec moi, ma sœur, viens : mes ailes t’enlaceront et te porteront sur les cimes des montagnes. Nous raserons d’un vol rapide les nappes de fleurs variées que la brise fait onduler sur les