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les sept cordes de la lyre

instant, ô Hélène ! et, si je suis éternel, je consens à faire le sacrifice de mon éternité. Je consens à m’éteindre dans ton âme, pourvu que ton âme consente à recevoir la mienne, et qu’elle oublie un seul instant l’infini et l’éternité.

albertus. Tu es muette pour moi, ô ma pauvre Hélène ! Les sons terribles de la lyre t’entraînent de plus en plus vers la région des pensées inconnues où je ne puis te suivre. Prends pitié de moi, prends pitié de toi-même, ô jeune Pythie ! Crains ce délire sacré, trop puissant pour la nature humaine. Reviens à des pensées plus douces, à une foi plus humble, à un amour plus méritoire et plus bienfaisant.

Les esprits célestes. Ô trois fois Saint ! ô mille fois bon et miséricordieux ! protège la fille de la lyre, prends pitié de l’Esprit de la lyre.

Hélène, jouant de la lyre avec une impétuosité toujours croissante. C’en est fait, il faut que j’aime. Le ciel et l’enfer ont allumé en moi des flammes inextinguibles. Mon âme est un trépied rempli de braise et de parfums. Je voudrais t’aimer, ô sage infortuné, martyr patient de la vertu et de la charité ! Je voudrais t’aimer, ô Esprit de la lyre, mélodie enivrante, flamme subtile, rêve d’harmonie et de beauté ! Mais tous deux vous me parlez des choses finies, et le sentiment de l’infini me dévore ! L’un veut que j’aime pour servir d’exemple et d’enseignement aux habitants de la terre ; l’autre veut que j’aime pour satisfaire les désirs de mon cœur et goûter le bonheur sur la terre. Dieu ! ô toi dont la vie n’a ni commencement ni fin, toi dont l’amour n’a pas de bornes, c’est toi seul que je puis aimer ! Reprends mon âme tout de suite, ou laisse-la languir ici-bas dans une agonie aussi longue que l’existence