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lettres à marcie

d’amour et de terrestres voluptés avaient pu dévorer cette oisive imagination. Nul n’a su ce qu’il lui avait fallu d’efforts, pour renoncer sans colère à vivre ici-bas. Le crucifix d’or que j’ai vu dans ses mains crispées par l’agonie pourrait seul raconter combien de ruisseaux de larmes ont baigné ses pieds insensibles. Le pâle ange gardien, qui soutint dans ses bras paternels cette jeunesse pénible, a pu seul raconter à Dieu par combien de martyres elle avait expié l’éphémère désir de prendre place au banquet terrestre. Je ne prétends pas faire ressortir de ce douloureux exemple que toutes les femmes laides doivent se vouer à la solitude. Quelques-unes ont eu le bonheur, grâce à leurs qualités morales, ou au charme de leur esprit, d’inspirer des affections vives et durables. Mais les hommes capables de ressentir de telles affections ne sont pas en général guidés par la cupidité, et on peut les voir choisir la compagne de leur vie partout ailleurs qu’au faîte de la richesse.

Ainsi pourquoi désespérez-vous de trouver, dans cette société injuste et corrompue, une âme d’exception comme la vôtre, qui s’associerait irrévocablement à vos destinées, et qui déjà peut-être de son côté vous cherche afin de vous saluer du nom d’épouse et de sœur ? Et quand vous ne trouveriez pas cet appui nécessaire aux femmes, votre vie serait impossible ? n’êtes-vous pas tellement forte, que vous ne puissiez entrer dans une voie d’exception sublime ? Je ne sais si je me trompe, mais il me semble que rien n’est impossible à un grand courage aidé de la réflexion. Vous vous êtes élevée au-dessus de votre sexe en d’autres occasions. Toutes les fois que nous faisons des actes de force, nous nous élevons au-dessus de la na-