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lettres à marcie

ture humaine vulgaire. Vous savez que de grandes destinées morales sont condamnées à une sorte d’isolement, et que l’esprit de sagesse, dans tous les temps, dans toutes les religions, a amplement dédommagé ceux qui se retirent de la route commune pour entrer volontairement dans la vie intérieure.

Malheureusement, après avoir vécu sagement et en vous-même, vous avez voulu traverser le tumulte du monde pour satisfaire une vaine curiosité, et maintenant le miroir de votre âme est terni par le reflet de mille fantômes vains, par le souffle malsain des passions vulgaires : vous trouverez dans votre sort des tribulations que vous n’aviez pas aperçues auparavant, ou que vous aviez supportées avec philosophie. Étrange contradiction ! Vous avez vu le règne de la faiblesse et de la vanité, et vous êtes tombée dans les mêmes servitudes que ces esclaves par vous méprisées.

Mais c’est que ce rôle de vieille fille, dites-vous, est bien pitoyable ! On vous raille, si vous êtes laide et vieille ; et on vous hait, parce qu’on vous suppose jalouse et méchante. Si, au contraire, vous êtes jeune et belle, on vous plaint ; et cette pitié, dites-vous encore, et avec raison, est le dernier des outrages.

Vous devriez ne pas vous apercevoir de cette pitié, Marcie ; mais, puisque vous n’avez pas la force de vous placer au-dessus, il est un moyen certain de la repousser et de la changer en respect. C’est d’accepter énergiquement et joyeusement votre sort. C’est d’avoir dans le cœur le calme de la résignation, et sur le front la sérénité de la vertu. Vous avez voulu montrer dans les salons votre pâleur studieuse, votre gravité mélancolique ; et ces hommes, incapables de comprendre le peu qu’ils valent, se sont imaginé que