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lettres à marcie

guère le droit de s’offenser, puisqu’il avait si bien prouvé à l’avance l’honnêteté de ses vues.

Un mois s’écoula ainsi, et, un matin, Arpalice avait disparu. Grand effroi et grande rumeur dans le presbytère ; déjà les deux sœurs désolées couraient en se tordant les mains vers la rue pour avoir des nouvelles de la fugitive, lorsque le curé, sortant de sa chambre d’un air ému, mais non affligé, leur dit de se tenir tranquilles, de ne montrer aux gens du dehors aucune surprise, et de ne point avoir d’inquiétude. C’était lui-même, disait-il, qui avait envoyé Arpalice à Bergame pour une affaire à lui personnelle, et dont il priait ses chères nièces de ne lui demander compte qu’après le retour de leur sœur. Trois jours après cette matinée, la famille anglaise partit pour Venise, et de là pour Vienne. Le jeune lord paraissait consterné, mais il ne voulut pas souffrir que sa mère renouvelât ses instances. En même temps qu’ils prenaient, à l’est, la route de Brescia, le curé prit, à l’ouest, celle de Bergame ; et, le lendemain, Arpalice était de retour avec lui au presbytère. Elle était fort pâle et se disait souffrante ; mais elle était aussi affectueuse et aussi sereine qu’à l’ordinaire. Elle pria ses sœurs de ne pas la questionner, et ce ne fut qu’au bout de six mois, après que les brillantes couleurs de la santé eurent reparu sur ses joues, qu’il fut permis au curé de trahir son chaste secret. Arpalice avait aimé lord C*** ; mais, par tendresse pour ses sœurs, elle n’avait pas voulu se marier.

Voici la lettre que l’oncle avait trouvée dans sa serrure le jour où Arpalice avait pris la fuite. Le bonhomme, en essayant de me la lire, était si ému,