Page:Sand - Les Sept Cordes de la lyre.djvu/230

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
220
lettres à marcie

arrive d’être regardé comme inutile et vain, la conscience fait bien vite bon marché des formules et des solennités de l’engagement ; si le vœu est injuste ou impossible, elle sait que Dieu l’a repoussé et qu’il n’a point été enregistré dans les archives célestes ; s’il n’est que puérilement orgueilleux, s’il ne produit qu’une vertu de luxe, une superfluité de sagesse, on se flatte que Dieu pardonne la rupture et consent à l’effacer du livre divin ; en un mot, pour garder un tel vœu, il faut croire aveuglément et s’incliner devant les mystères du dogme, ou bien il faut s’être formulé un dogme personnel tellement éclairé, tellement épuré, tellement acceptable, qu’on ne craigne plus d’avoir à y revenir et à le renverser pour le premier perfectionnement venu. Or, vous n’êtes, Marcie, ni dans le premier ni dans le second cas. Votre catholicisme est tombé dans les ténèbres du doute. Votre christianisme est à son aurore de foi et de certitude. Vous cherchez la lumière et l’enseignement, vous ne les trouverez point chez moi. Mais, si vous les cherchez au couvent, vous les y trouverez encore moins, car on abaissera sur votre visage un voile épais, et l’on vous dira que ce voile doit fermer à jamais les yeux de votre corps au spectacle des passions humaines, et ceux de votre intelligence à l’esprit de la lettre sacrée. Vous le promettriez en vain, l’intelligence transplantée sur certaines hauteurs ne peut plus redescendre. Quoique les cimes soient perdues dans les nuages, elle les préférera désormais au séjour de la terre. Elle se précipiterait en vain, tête baissée, dans de muets abîmes, elle en ressortirait bientôt, ou ébranlerait son refuge dans les convulsions terribles de son agonie.