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lettres à marcie

sement nos bras vers toi, comme si nous avions senti ton souffle agiter l’univers ? Pourquoi le vent qui froisse les roseaux et courbe les saules emporte-t-il notre angoisse comme une feuille sèche qui se perd dans l’espace ? Quel pouvoir la brise du crépuscule a-t-elle sur mon esprit et sur mes sens ? Pourquoi cette étoile qui va s’éteindre jette-t-elle tout à coup un éclat si vif, que mon espoir s’envole vers elle et me fait bondir d’une joie insensée ? Qu’y a-t-il de commun entre ce soleil perdu dans les abîmes de l’infini et moi, atome indiscernable, rampant à la surface d’un monde roulant dans les ténèbres ? Ô étoile, me verrais-tu, me connaîtrais-tu, m’aimerais-tu ? Ô vent du matin, est-ce à moi que tu parles ? Ô mes yeux, quelle main invisible a rouvert vos sources taries ? Ô mes bras, quels fantômes avez-vous cru embrasser en vous dressant tout à coup vers le ciel ?…

Ô Marcie ! certains élans de l’âme, rapides comme l’éclair et vagues comme l’aube, suffisent à calmer ces lentes douleurs qui nous rongent, à faire crouler cette montagne de plaintes et d’ennuis si péniblement entassée durant nos lâches révoltes. Nous ne voyons pas d’où découle le baume, nous ne pouvons conserver la manne divine au delà du temps nécessaire pour ranimer nos forces et nous empêcher de mourir ; mais elle tombe chaque jour dans le désert ; et, quand nous doutons de la main qui la verse, c’est quand nous avons négligé de l’invoquer, c’est quand nous avons oublié de purifier le vase que le Seigneur a commandé de tenir toujours prêt à recevoir ses dons.

Marcie, ne promettez pas, demandez ; ne refusez pas, acceptez ; ne doutez pas, priez.